Cours de Techniques Frigorifiques



Le froid trouve de nombreuses applications dans des domaines très variées (industries agro-alimentaires, médecine, confort thermique, pétroléochimie…) et c’est dans le domaine alimentaire que le froid occupe une place prépondérante car il permet de limiter les gaspillages (pertes après récolte…) et de prolonger la durée de conservation des produits ce qui permet un élargissement des échanges.

On a pu estimer que dans certaines régions du monde, 50% des denrées alimentaires disponibles se perdent entre la période qui s’écoule entre le moment de la production et celui de la consommation. Ainsi, dans le domaine alimentaire, l’objectif du froid est de maintenir la qualité originale des produit en limitant (ou en supprimant) les altérations liées au développement des microorganismes, altérations très rapides dans les pays chauds à cause des conditions climatiques (température, humidité relative) qui sont favorables à la prolifération des bactéries, levures et moisissures.

Pour les produits fabriqués par l’industrie agroalimentaire (lait, fromage…), le froid permet d’améliorer leur qualité en favorisant la maîtrise des conditions de fabrication par une optimisation des paramètres climatiques influençant le comportement des microorganismes.

Le froid permet aussi l’augmentation du volume de production agricole par la modification du cycle végétatif des plantes améliorant ainsi leur rendement (printanisation des céréales…).

En production animale, le froid permet la conservation longue durée du sperme destiné à l’insémination artificielle ou encore la conservation des sérums et des vaccins destinés à enrayer les épidémies frappant les animaux.

L’avancée technologique de nos jours qui autorise un contrôle plus précis de la température et de l’humidité permet d’améliorer le production du froid.

L’utilisation des atmosphères artificielles permet d’augmenter la durée de conservation de certains fruits et légumes, de même l’utilisation d’adjuvants permet de renforcer l’action du froid mais leur utilisation doit être conforme à la législation nationale relative à la protection des aliments.

Dans les pays chauds et humides, une température de l’ordre de +10°C permet une bonne conservation du poisson fumé, du lait concentré ou en poudre, des conserves de viandes…ce qui montre une bonne complémentarité entre le froid et les autres techniques de conservations (séchage…).

Il faut retenir que l’alimentation d’une population mondiale sans cesse croissante exige que des efforts réalisés pour accroître les productions alimentaires soient accompagnés d’initiatives destinées à réduire sinon à éliminer les pertes qui autrement resteraient considérables à toutes les étapes de la distribution et de la transformation des aliments.

Dans le contexte des pays africains en voie de développement, ces initiatives de conservation des aliments doivent couvrir un vaste champ de techniques (abaissement de l’activité de l’eau, traitements thermiques à haute température, traitement thermique à basse température, abaissement du pH, utilisation d’additifs alimentaires, préparation stockage condition des aliments, séparation ou fractionnement).

Les traitements thermiques à basse température (le froid) seront étudiés dans le cadre de ce cours.



1.2 MODES DE PRODUCTION DU FROID ET APPLICATIONS

La production du froid qui consiste à absorber la chaleur contenue dans un milieu peut être obtenue suivant plusieurs modes. De même, les applications du froid sont très variées.

Parmi les différentes modes de production du froid, il faut retenir :

- la sublimation d’un solide (cas du CO2)

- la détente d’un gaz comprimé

- la fusion d’un corps solide

- le refroidissement thermoélectrique

- la dissolution de certains sels

- la désaimantation adiabatique

- la vaporisation d’un liquide en circuit fermé

La sublimation d’un solide consiste à la faire passer de l’état solide à l’état vapeur par absorption de chaleur, le cas le plus courant est celui du CO2 qui à la pression atmosphérique a une température de sublimation de –78.9°C.

La détente d’un gaz comprimé repose sur le principe de l’abaissement de la température d’un fluide lors de sa détente (avec ou sans travail extérieur). Cependant, cet abaissement est plus important lors de la détente sans travail extérieur (détente Joule -Thomson : étranglement à travers une vanne) mais il ne faut pas perdre de vue que le refroidissement du gaz détendu aura lieu seulement dans le cas où sa température avant la détente serait inférieure à la température d’inversion de l’effet Joule - Thomson.

La fusion d’un corps solide se fait à température constante par absorption de la chaleur latente de fusion du corps considéré, ce procédé discontinu bien que simple présente l’inconvénient de nécessiter une congélation préalable à moins que cet état ne soit disponible à l’état naturel.

Le refroidissement thermoélectrique (effet Peltier) est utilisé pour produire de très petites quantités de froid. Il consiste à faire passer un courant continu dans un thermocouple constitué de conducteurs de natures différentes reliés alternativement par des ponts de cuivre.

La dissolution d’un sel dans l’eau provoque un abaissement de la température de la solution. Ce n’et pas un phénomène très utilisé dans l’industrie frigorifique à cause de la nécessité de vaporisation ultérieure de l’eau (récupération du sel). Par exemple, le mélange de neige (4 parties) et de potasse (3 parties) fait baisser la température de la solution de 0°C à 40°C.

La désaimantation adiabatique consiste en une réorganisation du cortège électronique d’un corps, ce qui permet l’obtention de très basses températures (10-2 à 10-6 K).

La vaporisation d’un liquide permet de produire du froid par l’absorption de la chaleur à travers un échangeur (évaporateur), la vapeur produite étant ultérieurement liquéfiée dans un autre échangeur (condenseur), le fluide décrit ainsi un cycle au sein d’une machine fonctionnant de manière continue.

Les machines utilisant ce principe peuvent être regroupées en deux grandes familles que sont les machines à compression mécanique et les machines à absorption.

La vaporisation d’un liquide en circuit fermé reste la méthode la plus utilisée pour la production du froid.


La production de froid pour les besoins domestiques, commerciaux et industriels nécessitent l’utilisation d’un dispositif capable d’extraire de la chaleur dans le milieu à refroidir pour la rejeter dans un milieu dit extérieur, ce dispositif qui obéit nécessairement au second principe de la thermodynamique est appelé « machine frigorifique ».

La conception, la réalisation et l’exploitation et/ou le suivi d’une telle machine nécessitent de bonnes connaissances en thermodynamique, en mécanique des fluides, en transfert thermique et en électrotechnique.

Ces connaissances théoriques devront être complétées par une bonne familiarisation à la technologie des composants ainsi qu’à l’élaboration et à la lecture de schémas électriques ou de régulation.

Dans le cadre de ce cours, il sera étudié les machines utilisant la vaporisation d’un fluide en circuit fermé.

Le froid peut être produite directement ou indirectement.

On parle de refroidissement direct lorsque la substance à refroidir (par exemple l’air) est en contact avec le fluide circulant en circuit fermé dans la machine (par l’intermédiaire de l’échangeur).

Le refroidissement est dit indirect lorsqu’on utilise un fluide intermédiaire (par exemple l’eau) entre la subsistance à refroidir (l’air) et le fluide circulant en circuit fermé dans la machine. Le fluide intermédiaire est appelé fluide frigoporteur.

Le tableau ci-dessous fait un point des différentes applications du froid.

Tableau 1.0 : Principales applications du froid.

REFRIGERATION CLASSIQUE

GAMME DE TEMPERATURES (°C)

APPLICATIONS

Conditionnement d’air

+16 à +26

Confort humain

Réfrigération des denrées

0 à +10

Conservation des aliments à court/moyen terme

Congélations des denrées

-35 à 0

Conservation des aliments à long terme

Lyophilisation

-80 à -30

Dessiccation à basse température

Traitements divers

-200 à 0

Applications chimiques

Essais thermiques des matériaux







CRYOGENIE

GAMME DE TEMPERATURES (°K)

APPLICATIONS

Liquéfaction du gaz naturel

93 à 113

Transport en phase liquide (méthanier)

Liquéfaction de l’air



70 à 80

Distillation

Liquéfaction de l’hydrogène



14 à 30

Recherche nucléaire

Liquéfaction de l’hélium



1 à 5

Supraconductivité

Méthodes magnétiques



10-3 à 10-2

Recherche fondamentale

La cryogénie est la branche du froid qui s’occupe de la production des très basses températures.



1.3 ELEMENTS DE PHYSIQUE

1.3.1 La température

Le chaud et le froid sont appréciés par des sensations d’où une évaluation irrationnelle de ces grandeurs.

Aussi, il a été définit la température qui permet une objectivité des mesures. La température caractérise le niveau auquel la chaleur se trouve dans un corps permettant ainsi de dire qu’un corps est plus ou moins chaud qu’un autre.

Les températures dans le S.I. sont exprimées en °C (degrés Celsius) mais dans la littérature, on rencontre les degrés Fahrenheit (°F) et les degrés Kelvin (°K)

Conversion entre les différentes unités de températures







1.3.2 La chaleur

La chaleur est une forme d’énergie (énergie de mouvement des molécules) qui va d’un point chaud (température plus élevée) vers un point froid (température moins élevée).

C’est la sensation perçue par nos organes de sens lorsque nous sommes placés devant un corps incandescent par exemple.

L’unité légale est le Joule (J) mais le kCal (kiloCalorie) est également utilisé.

Une kCal est la quantité de chaleur qu’il faut fournir à un kG d’eau pour augmenter sa température de 1°C.

Conversion d’unités :

1 kCal = 4.185 kJ = -1 Fg (frigorie)

1 thermie (Th) = 1000 kCal = 4185 kJ

1 BTU = 1.053 kJ (BTU : British Thermal Unit)

1.3.3 La puissance

La puissance est le rapport de l’énergie fournie ou absorbée sur l’unité de temps.

L’unité légale est le Watt (W).

Conversion d’unités :

1 kW = 860 kCal/h

1 kCal/h = -1 Fg/h = 1.163 W

1 cv (cheval) = 736 W



1.3.4 La pression

L’unité légale de la pression est le Pascal (Pa) qui est égal à la pression uniforme exercée par une force de 1 N (Newton) sur une surface de 1 m2.

L’unité de pression couramment utilisée par les frigoristes est le Bar et il faut distinguer :

- les appareils de mesure des pressions (appelés manomètres) sur les systèmes frigorifiques qui sont gradués généralement en pression relative (par rapport à la pression atmosphérique)

- les appareils de mesures du vide (appelés vacuomètres) sur les systèmes frigorifiques qui sont gradués en pression absolue (par rapport au vide absolu).

Conversion d’unités

1 Bar = 105 Pa = 1.02 kG/m2 = 0.986 atm = 750 mmHg

1 Bar = 14.54 PSI = 10.2 mCE (mètre de colonnes d’eau)

PSI : Pound per Square Inch (Livre par Pouce carré)





1.3.5 Le changement d’état



La maîtrise des deux états de la matière que sont la phase liquide et la phase vapeur est primordiale en froid.

Le changement d’état se définit comme la phase de transformation d’une phase vers une autre phase.

La figure 1.1 donne les différents changements d’état possibles de la matière.



Figure 1.0 – Changements d’états de la matière.

A titre d’exemple, il sera rappelé les changements d’état pour l’eau (cf. figure 1.2) :

Ces changements sont les suivants :

- le passage de l’état solide (glace) à l’état liquide, appelé la fusion

- le passage de l’état liquide à l’état solide (glace), appelé la congélation (ou solidification)

- le passage de l’état liquide à l’état liquide à l’état vapeur, appelé la vaporisation (ou l’ébullition ou encore l’évaporation)

- le passage de l’état vapeur à l’état liquide, appelé la liquéfaction (ou condensation)

Ainsi sont définis les termes suivants :

- la chaleur latente de congélation ou chaleur latente de fusion suivant qu’on passe de la phase liquide vers la phase solide ou vice versa ; pour l’eau cette chaleur latente est de 334.8 kJ/kG (80 kJ/kG) à la pression atmosphérique, la température de congélation étant de 0°C à cette pression

- la chaleur latente de vaporisation ou de condensation suivant qu’on passe de la phase liquide à la phase vapeur ou vice versa ; pour l’eau cette chaleur latente est de 2254.7 kJ/kG (539 kJ/kG) à la pression atmosphérique, la température d’évaporation étant de 100°C à cette pression

Comme autres changements d’état, il faut citer :

- la sublimation (passage de l’état solide à l’état vapeur)

- la désublimation (passage de l’état vapeur à l’état solide)

En rappel, il existe pour tout corps pur, une relation pression température si et seulement si la vapeur est contact avec le liquide qui lui a donné naissance.

A chaque corps correspond une courbe de changement d’état représenté dans le diagramme thermodynamique pression (Log P) – enthalpie (h) appelé diagramme enthalpique ou diagramme de Mollier des frigoristes.

Ce diagramme est utilisé pour l’étude des cycles de réfrigération.

Les autres diagrammes thermodynamiques ne sont pratiquement pas utilisés par les frigoristes.

Le diagramme Température (T) – entropie (s) est utilisé à des fins pédagogiques ou lorsqu’on veut concevoir un procédé (applications aux machines thermiques).

Le diagramme enthalpie (h) – entropie (s) aussi appelé diagramme de Mollier des motoristes est utilisé pour l’étude des cycles moteurs à vapeur.